Les besoins en protéines
Plusieurs définitions sont proposées (besoin nutritionnel, Apport Nutritionnel Conseillé (ANC), limite supérieure de sécurité).En particulier, le terme d’ANC (Apport Nutritionnel Conseillé) a été utilisé à des fins d’uniformité lexicale et de simplicité. Néanmoins, l’interprétation n’est ici pas identique à celle des autres nutriments.
En effet, dans le cas des protéines la consommation spontanée est bien supérieure à l’ANC et il n’y a pas d’élément à ce jour pour indiquer qu’elle présente un risque et le critère retenu pour calculer le besoin (à partir duquel est calculé l’ANC) est un critère minimal.
Ainsi, l’ANC en protéines ne constitue aucunement une cible qu’il serait « conseillé » d’atteindre, par une diminution des apports spontanés, mais bien plutôt une valeur de référence minimale, la plus petite que l’on puisse scientifiquement objectiver.
Dans ce rapport, une limite de sécurité, définie comme une limite au-delà de laquelle il apparaît un risque lié à une surconsommation de nutriment, n’est proposée ni pour l’azote, ni pour les acides aminés, par manque de données expérimentales et épidémiologiques.
Cependant, deux seuils d’apport protéique au-delà desquels les apports sont considérés comme élevés ou très élevés sont proposés. Le groupe de travail piloté par le Pr Daniel Tomé a également choisi de ne pas définir d’apports nutritionnels conseillés en acides aminés indispensables, considérant « qu’elles feraient double-emploi avec les apports nutritionnels conseillés en protéines ».
Le rapport considère les populations des adultes, des nourrissons et enfants en bas âge, des enfants et adolescents, des femmes enceintes ou allaitantes, des personnes âgées, des végétariens et des sportifs.
Besoins chez les nourrissons, les enfants et les adolescents
Les besoins en protéines et en acides aminés du nourrisson et de l’enfant sont la somme des besoins pour l’entretien et pour la croissance. Plusieurs méthodes sont disponibles pour estimer leurs besoins (consommation spontanée, méthode factorielle, bilans). Chacune peut donner des résultats différents, la valeur des informations qu’elles fournissent dépendant largement de la convergence de ces résultats.
Le besoin moyen journalier du nourrisson reste relativement constant entre 0-1 mois et 5-6 mois, de l’ordre de 7,0 à 7,5 g.j-1 (grammes de protéines par jour), avec un apport nutritionnel conseillé de 9,5 g.j-1.
Par la suite, jusque vers deux ans, cet apport doit être légèrement augmenté à 10-11 g.j-1 pour tenir compte de la baisse d’efficacité de l’utilisation des protéines alimentaires qui sont fournies par des aliments plus variés et qui n’ont pas l’efficacité très élevée des protéines du lait.
Jusque vers 10 ans, l’apport conseillé est identique pour les garçons et les filles et proportionnel à leur poids : 0,9 g.kg-1.j-1 (grammes de protéines par kg de poids corporel par jour) et les recommandations pour les adolescents et adolescentes (de 10 à 18 ans) se situent à une moyenne de 0,85 g.kg-1.j-1.
Aucune donnée nouvelle ne permet donc de modifier ces valeurs d’estimation des besoins et apports nutritionnels conseillés en protéines pour les nourrissons, enfants et adolescents, publiées en 2001. La consommation spontanée de protéines dans les pays développés couvre très largement les besoins.
Besoins chez l’adulte
Le besoin nutritionnel moyen en protéines a été réévalué à 0,66 g.kg-1.j-1 et l’apport nutritionnel conseillé à 0,83 g.kg-1.j-1 chez l’adulte en bonne santé.
Devant l’insuffisance de données sur la variabilité des besoins en acides aminés indispensables dans la population, nécessaire pour l’établissement de telles valeurs, et considérant qu’elles feraient « double-emploi » avec les apports nutritionnels conseillés en protéines, le groupe de travail piloté par le Pr Daniel Tomé a choisi de ne pas définir d’apports nutritionnels conseillés en acides aminés indispensables. Il considère préférable de prendre en compte l’apport nutritionnel conseillé en protéines et leur qualité définie sur la base de leur composition en acides aminés indispensables telle que définie dans le chapitre VII du rapport.
Besoins chez les femmes enceintes et allaitantes
Pour les femmes enceintes, l’apport conseillé peut être accru de 0,1 g.kg-1.j-1 au delà de l’ANC de l’adulte tandis que pour les femmes qui allaitent, la mise en évidence d’un besoin plus important incite à réévaluer l’apport conseillé à 1,4 g.kg-1.j-1, quantité qui, dans la plupart des cas, est voisine ou inférieure à celles habituellement consommées en France par les femmes qui allaitent.
Les estimations effectuées dans ce travail sont très proches des résultats publiés en ce qui concerne les protéines dans les ANC en 2001. La consommation de protéines au cours de la grossesse est de l’ordre d’au moins 70 g.j-1 ou de 1,2 g.kg-1.j-1 en moyenne. C’est sans doute la raison pour laquelle un supplément énergétique et protéique équilibré ne semble pas avoir d’effet positif sur la croissance foetale et la santé maternelle. Inversement, il faut souligner qu’un enrichissement excessif du régime maternel en protéines peut se révéler nocif pour le foetus.
Besoins chez les personnes âgées
Le besoin en protéines des personnes âgées est au moins aussi élevé que celui des jeunes adultes. Plusieurs éléments conduisent le groupe de travail à proposer un niveau d’apport nutritionnel conseillé légèrement augmenté, de l’ordre de 1 g.kg-1.j-1.
Les données actuelles laissent penser qu’il serait préférable chez la personne âgée de regrouper l’apport protéique en une prise principale afin de stimuler plus fortement l’anabolisme protéique. La prise en compte d’une chronologie d’apport spécifique (cinétique et/ou répartition) mérite d’être encore étudiée.
En ce qui concerne les besoins en acides aminés indispensables, il existe peu de données fiables ou confirmées. Cependant, dans ce cas aussi, les besoins en plusieurs d’entre eux (acides aminés soufrés, tryptophane, lysine, leucine) paraissent au moins égaux à ceux des jeunes adultes, voire supérieurs. Des travaux visant à les préciser doivent être encouragés.
La pratique d’une activité physique modérée, si elle favorise l’anabolisme protéique, ne paraît pas modifier de façon spécifique le besoin en protéines des personnes âgées.
Besoins chez les végétariens
Dans nos sociétés, les régimes végétariens non stricts (n’excluant pas les produits laitiers et les oeufs), permettent d’assurer un apport protéique en quantité et en qualité satisfaisantes pour l’enfant et l’adulte. Chez les végétaliens adultes, on peut conseiller d’être attentif à la couverture de l’apport protéino-énergétique et à l’utilisation de sources protéiques qui se complètent. On ne peut pas statuer sur l’intérêt d’un apport complémentaire en certains acides aminés non indispensables peu ou pas consommés par les végétaliens. Chez le nourrisson et le jeune enfant, les régimes végétaliens sont à proscrire.
Parmi les thèmes abordés par ce rapport, celui des liens entre protéines et sport a fait l’objet d’une attention particulière. En effet, la nutrition du sportif constitue une des composantes essentielles à la réalisation des performances et les suppléments protéiques représentent actuellement une aide pour l’amélioration des performances très couramment utilisée. Ainsi, un chapitre a été consacré au métabolisme et aux besoins en protéines et acides aminés indispensables chez le sportif. Des questions telles que l’impact d’apports excessifs en protéines ou l’intérêt d’apports en certains acides aminés pour la performance y sont notamment traitées.
Les besoins nutritionnels en protéines des sportifs d’endurance et des sportifs de force ont été établis par l’Afssa et des apports nutritionnels conseillés sont proposés pour ces deux catégories de sportifs. Ces données ont été mises en parallèle des comportements alimentaires de ces sportifs. Il ressort de cette analyse que selon le type de sport pratiqué, des problèmes liés aux comportements alimentaires peuvent se manifester.
Besoins chez les sportifs d’endurance
L’estimation des besoin des sportifs d’endurance a permis de fixer les apports nutritionnels conseillés entre 1,2 et 1,4 g.kg-1.j-1, ce qui revient à consommer au moins 84 à 98 g de protéines par jour pour un sportif de 70 kg. Ces valeurs varient avec la charge d’entraînement, elles sont applicables à des sportifs s’entraînant une à deux heures par jour, quatre à cinq jours par semaine.
D’après les données de consommations disponibles, il apparaît que de même que pour la grande majorité de la population française, les sportifs d’endurance ont des apports en protéines couvrant largement leurs besoins. Cependant, cette catégorie de population ayant tendance à consommer davantage de produits riches en glucides, leur apport en protéines d’origine végétale est plus élevé. Cela peut avoir pour conséquence un déséquilibre de la part des apports en acides aminés indispensables. Afin de pallier ce déséquilibre, il est important de varier les aliments consommés afin de s’assurer de couvrir ses besoins en acides aminés indispensables.
Besoins chez les sportifs de force
Les données de la littérature montrent que la répétition d’exercices de force entraîne une augmentation des besoins en protéines, cependant ceux-ci sont normalement couverts par une alimentation équilibrée.
Chez les athlètes de force, les apports nutritionnels conseillés ont été fixés entre 1,3 et 1,5 g.kg-1.j-1, ce qui correspond à une consommation d’au moins 91 à 105 g de protéines par jour pour un sportif de 70 kg.
Ces sportifs ont généralement tendance à augmenter fortement leurs apports en protéines dans le but d’augmenter leur masse musculaire. Dans ce cas les apports ne devraient pas dépasser 2,5 g par kg de poids corporel par jour, pour une durée n’excédant pas 6 mois, soit une consommation journalière maximale de 175 g de protéines pour un sportif de 70 kg.
Par ailleurs, les deux tiers de l’apport doivent être assurés par l’apport alimentaire équilibré, le dernier tiers pouvant provenir des suppléments sous forme de protéines de bonne qualité.
Néanmoins, les données de consommation montrent que le comportement alimentaire des sportifs de force fait que leurs apports en protéines dépassent très largement les quantités qui peuvent être recommandées et constituent un risque pour leur santé.
Protéines et santé
Les conséquences physiologiques à moyen et long termes d’une augmentation de l’apport en protéines sont encore mal connues.
D’une part, les études expérimentales qui portent sur l’ingestion chronique d’un régime à teneur élevée en protéines sont en général d’une durée limitée et ne permettent pas de se prononcer sur les effets à très long terme de régimes riches en protéines.
D’autre part, les facteurs de confusion dans les études épidémiologiques en limitent l’interprétation et la mise en évidence de certains liens de causalité, tels que la relation entre apport protéique des nourrissons et des enfants en bas âge et adiposité des enfants. Il est nécessaire à cet égard de poursuivre l’étude des relations éventuelles entre l’apport protéique des nourrissons et l’adiposité des enfants.
Il est difficile, compte tenu de l’insuffisance de données disponibles, de définir une limite supérieure de sécurité pour l’apport protéique.
Dans l’état actuel des connaissances, des apports entre 0,83 et 2,2 g.kg-1.j-1 de protéines (soit de 10 à 27 % de l’apport énergétique chez des individus ayant des apports énergétiques moyens, c’est-à-dire de 33 kcal.kg-1.j-1) peuvent être considérés comme satisfaisants pour un individu adulte de moins de 60 ans non obèse, non sportif, ayant une fonction rénale normale et suivant un régime non restreint
alors que des apports compris entre 2,2 et 3,5 g.kg-1.j-1 seront considérés comme élevés et des apports supérieurs à 3,5 g.kg-1.j-1 très élevés. Ces valeurs de 2,2 et de 3,5 g.kg-1.j-1 ont été déterminées à partir de la capacité maximale d’adaptation de l’uréogénèse chez l’adulte (pour un homme de 70 kg).
La confrontation des données de consommation protéique obtenues à partir de l’étude INCA1 aux estimations du besoin des individus et à des seuils d’apports protéiques élevés (> 2,2 g.kg-1.j-1) et très élevés (> 3,5 g.kg-1.j-1) a permis d’estimer la prévalence d’apports probablement insuffisants, satisfaisants, élevés ou très élevés dans les différentes catégories de sexe et d’âge de la population française.
Il en ressort une faible prévalence d’inadéquation des apports protéiques dans la population française.
Elle ne se manifesterait que chez les adolescentes de 15 à 18 ans et les personnes âgées de 60 ans et plus et atteindrait respectivement 7 % et 3 à 5 % de ces populations.
La consommation des enfants de plus de 3 ans est caractérisée par des apports très élevés en protéines, et ce d’autant plus que les enfants sont jeunes.
En revanche, la quasi-totalité des adultes français de 19 ans et plus ont une consommation protéique satisfaisante, c’est-à-dire supérieure à leur besoin individuel et inférieure à la la valeur de 2,2 g.kg-1.j-1 définissant des apports élevés. Etant donné que les valeurs de 2,2 et 3,5 g.kg-1.j-1 ont été établies uniquement sur la base d’un critère métabolique chez l’adulte, les chiffres de prévalence de dépassement sont rapportés comme « prévalence d’apport élevé ou très élevé ». Ces termes ont été préférés à « excessifs » ou « très excessifs » dans la mesure où les seuils proposés ne peuvent être associés à des risques identifiés pour la santé.
Les données récentes suggèrent un effet satiétogène des protéines. Les relations entre la quantité et la nature de l’apport protéique et le développement du tissu adipeux, la sensibilité à l’insuline, la tolérance au glucose, le métabolisme des lipides, le risque cardio-vasculaire, les effets (positifs ou négatifs) sur divers tissus et organes (os, foie en particulier), ou l’incidence de cancers, restent discutés. Un effet favorable sur l’os serait probable : des études montrent une association positive entre le niveau de consommation de protéines et la densité minérale osseuse, sans pour autant indiquer une diminution du risque fracturaire.
En ce qui concerne le rein, les effets délétères concernent certains sujets à risque notamment les sujets âgés, vis-à-vis de la filtration glomérulaire. Un recul plus grand est nécessaire pour conclure quant à l’incidence d’un régime riche en protéines sur la santé. Diverses études suggèrent aussi des effets plus spécifiques de certaines fractions protéiques. Ce sont, pour certaines, des pistes et la réflexion et les recherches sur ce domaine méritent d’être approfondies.
Il est souhaitable de combiner plusieurs protéines sans faire nécessairement référence au rapport protéines animales / protéines végétales.
Allégations nutritionnelles
En ce qui concerne les allégations, le rapport contient des propositions concernant les allégations nutritionnelles du type « source » ou « riche en protéines », celles relatives au rôle des protéines comme facteurs indispensables pour le maintien ou l’accroissement de la masse des protéines corporelles, celles relatives aux effets spécifiques d’acides aminés particuliers, celles relatives aux relations entre les protéines, le métabolisme énergétique, et la prise alimentaire, et celles relatives à des composés bioactifs protéiques et peptidiques.
Allégations nutritionnelles du type « source » ou « riche en protéines » : les données du présent rapport et la réflexion du groupe de travail conduisent à statuer qu’un aliment devrait pouvoir porter l’allégation « source de protéines » s’il satisfait à la fois aux deux critères suivants : énergie apportée par les protéines supérieure à 10 % de l’énergie totale de l’aliment et quantité de protéines supérieure à 10 % de la valeur nutritionnelle de référence (VNR) pour 100 g (pour un aliment solide, ou 5 % de la VNR pour 100 mL dans le cas d’un aliment liquide). Le groupe de travail propose une VNR de 55 g de protéines.
Le principe usuel du doublement de ces seuils est appliqué pour riche en protéines ».
Le groupe de travail estime souhaitable que la définition d’un produit « hyperprotéiné » comprenne un critère quantitatif et un critère qualitatif. Un produit « hyperprotéiné » devrait contenir des protéines de bonne qualité, c’est-à-dire avec un PD-CAAS supérieur ou égal à 100 %. La définition d’un critère quantitatif pour ces produits, dont certains sortent du domaine de ce rapport, mériterait une réflexion approfondie, notamment au regard du seuil proposé par le groupe de travail pour l’allégation "riche en protéines".
Allégations relatives au rôle des protéines comme facteurs indispensables pour le maintien ou l’accroissement de la masse des protéines corporelles : les groupes plus particulièrement concernés sont les enfants et les personnes âgées ; ces aspects sont particulièrement sensibles pour le muscle, le système immunitaire, l’os. Une allégation générique dans ce domaine est encore prématurée mais pourrait être envisagée après réflexion sur sa (ses) formulation(s) et l’ensemble des données scientifiques disponibles.
Allégations relatives aux effets spécifiques d’acides aminés particuliers : exemple leucine, arginine, acides aminés soufrés, glutamine, tryptophane, tyrosine ... c’est un domaine prometteur sur le plan de la recherche et déjà documenté, avec des potentialités réelles en terme de développement des données scientifiques. Compte-tenu des cibles spécifiques concernées, il paraît cependant difficile, en l’état actuel des connaissances, d’envisager des allégations génériques. Un examen au cas par cas doit être envisagé.
Allégations relatives aux relations entre les protéines, le métabolisme énergétique, et la prise alimentaire : c’est un domaine suscitant un intérêt croissant, avec un enjeu important dans le contexte actuel de santé publique caractérisée par le surpoids et les risques associés – de plus en plus de données sont disponibles, mais on manque encore de recul et parfois de marqueur (pour la satiété par exemple) sur ces thèmes. Un examen au cas par cas doit être envisagé.
Allégations relatives à des composés bioactifs protéiques et peptidiques : exemple lactoferrine, peptide anti-stress, peptides immunomodulateurs, ... c’est un domaine suscitant un intérêt croissant, avec des enjeux de valorisation importants. Compte-tenu de la diversité des composés et des actions alléguées, un examen au cas par cas doit être envisagé.
Pour de plus amples informations, consulter la synthèse du rapport ou le rapport complet de l’Afssa
(Actualités Afssa, mai 2008 - Rapport Afssa : « Apport en protéines : consommation, qualité, besoins et recommandations » - « Apports nutritionnels conseillés pour la population française », 3ème Edition, Afssa, Tec&Doc 2001)
Source : Alexandre Glouchkoff, Diététicien - Nutritionniste